Jocelyn

Jocelyn_XLJ’étais rationaliste

Etre rationaliste, c’est croire que la raison seule suffit à tout : à notre connaissance comme à notre salut. J’étais rationaliste : je croyais la raison capable à elle-seule de me rendre intelligent et heureux. La Raison était mon Dieu. Cela me rendait orgueilleux et égoïste. Je tirais gloire de mes connaissances et de mon intelligence. La Bible dit : « La connaissance enfle ». D’autre part, la recherche incessante de la vérité ne donnait à mon esprit aucun repos. Comme l’accumulation de richesses, l’accumulation de connaissances aiguise sans cesse notre cupidité. Il est faux de prétendre que la connaissance est une « vraie » richesse, contrairement aux biens matériels. Tous deux engendrent également soif de posséder, insatisfaction et frustration. Quand Jésus dit : « accumulez plutôt des richesses dans le ciel, où la rouille ne ronge pas » il ne fait pas allusion aux richesses de l’intelligence. Enfin, je sentais bien au fond de moi-même que ma recherche était vaine. Qu’est-ce que l’intelligence ? Un robot est dit « intelligent » quand il est capable de trouver son chemin tout seul, quelque-soit l’environnement dans lequel on le place (sinon on parle d’automate). Quant à l’objectif, il est toujours clairement pré-programmé. Mais l’être humain a un défi plus ambitieux à relever. Il doit non seulement comprendre l’univers, y trouver son chemin, mais aussi redécouvrir ses objectifs (pour quoi il a été créé). Sur ce dernier point la raison reste impuissante. C’est pourquoi l’intelligence qui repose exclusivement sur la raison gardera toujours un goût d’incomplétude. C’est cette incomplétude qui me remplissait à la longue de désespoir. C’est cette fadeur qui me faisait, en guise de consolation, rechercher la gloire des hommes. La Bible dit : « Vanité, tout est vanité et poursuite du vent ».

Dieu m’a arraché à moi-même

L’amour de Lydie
Pour guérir de ma vanité et de mon inquiétude, j’avais d’abord besoin d’être délivré de mon orgueil et de mon égoïsme. C’est-à-dire de moi-même. Un peu comme une fusée qui a d’abord besoin de vaincre la gravité terrestre au moyen de ses boosters, avant d’aller tourner autour d’un astre plus gros, de même j’avais besoin d’une force extérieure pour m’arracher à mon égoïsme. Cette force ce fut l’amour. La Bible dit : « L’amour ne convoite pas, il ne cherche pas à se faire valoir, il ne s’enfle pas d’orgueil. Il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son propre intérêt. ». L’amour c’est le contraire de l’égoïsme. Il s’agit d’une attirance vers l’autre, alors que l’égoïsme c’est l’attirance vers soi. L’amour m’a arraché à moi-même quand j’ai rencontré Lydie. Je ne pensais plus à moi, mais à Lydie. Mes pensées ne tournaient plus autour de moi, mais autour de Lydie. Ma recherche n’était plus guidée par la question « qu’est-ce qui est bon pour moi ? » mais « qu’est-ce qui est bon pour elle ? ». L’amour terrestre n’était qu’une étape. Lydie était croyante. Comme je l’aimais, je l’ai suivie au culte tous les dimanches. C’est ainsi que la parole de Dieu a pu être semée efficacement dans mon cœur. Elle l’avait déjà été auparavant, mais mon sol était dur, faute d’avoir été suffisamment labouré. Avec Lydie, mon cœur était devenu plus meuble. Je me disais que si une créature aussi merveilleuse croyait en Dieu, c’est qu’il devait y avoir une bonne raison. J’avais envie de la chercher. Mieux encore : je me mis peu à peu à entrevoir que si croire en Dieu permettait de ressembler à Lydie (et à Jeannine, sa mère) alors il valait mieux croire en Dieu sans raison que de n’y point croire avec des raisons ! J’ai compris, au fil des sermons et des lectures, que Dieu était parfait au de là de tout ce que je pourrais espérer. Qu’il était en outre doté d’une personnalité, donc capable de me connaître personnellement et de m’aimer, contrairement au Dieu impersonnel et stérile des philosophes. Qu’il prétendait être mon auteur et gouverner ma vie, ce qui valait mieux pour moi, tout bien considéré, que d’avoir à me gouverner moi-même. Qu’il promettait de me former, de me transformer, pour me donner davantage aux autres et être délivré de mes mauvais penchants. Qu’il pardonnait tous mes péchés – alors que j’hésitais parfois à me pardonner moi-même. Qu’il me promettait sa paix ici-bas, et la vie éternelle au delà. Tout bien considéré donc, il valait mieux croire en Dieu que n’y point croire. Il valait mieux se soumettre à lui qu’à n’importe qui d’autre (y compris à moi-même). Je me suis donc soumis : j’ai cru, et ma vie a été transformée.

Ma vie a été transformée

La générosité

Premièrement, la sortie de moi-même m’a rendu plus attentif aux gens. Je me suis fait beaucoup de vrais amis. J’en avais peu auparavant. Le Royaume de Dieu m’a pourvu en amis comme aucune autre association humaine (sportive, professionnelle ou culturelle) fréquentée depuis. Lorsqu’un de ces amis souffre, je souffre avec lui ; et quand il se réjouit, je me réjouis avec lui. Cela élargit considérablement le champ de mon expérience émotive. Jésus a dit : « Aime ton prochain comme toi-même ».

La plénitude

Parfois, je retombe dans mes anciennes tendances intellectuelles égoïstes : je mets du temps à part pour étudier et philosopher. J’en tire grande satisfaction sur le moment, mais j’en ressors avec une impression de vide. Alors je retourne en compagnie de mes prochains. Je ressors rempli. J’en déduis que mon être est conçu, taillé, optimisé pour l’amour du prochain – davantage que pour la vérité intellectuelle. Entendons-nous bien : il est capable des deux, et par conséquent prend plaisir aux deux. Mais il ne s’accomplit vraiment, et ne donne sa pleine mesure, que sous la première forme. L’intuition du « plein » et du « vide » est un critère déterminant pour moi, quand il s’agit de renouveler ma foi en Dieu. Jésus a dit : « Si vous me cherchez… c’est parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été rassasiés… Je suis le pain qui donne la vie. Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim »

L’espérance

Cette plénitude me donne une espérance. L’espérance de ne pas vivre ma vie en vain. S’il est une manière de vivre qui me rend « plein » et une autre qui me rend « vide » – c’est qu’il y a dissymétrie : ma vie a donc un « sens » (dans les deux sens du mot). Comme ma plénitude n’est jamais parfaite, mais grandit toujours, j’en viens à formuler l’idée d’un attracteur, d’un état asymptotique vers lequel je tends et qui sera atteint à l’infini. Cet infini est décrit dans l’Evangile sous la forme de Jésus. Mon espérance, c’est qu’un jour je deviendrai semblable à lui. La Bible m’enseigne que cette espérance sera réalisée dans un lieu qui s’appelle le Ciel (pure métaphore: rien à voir avec le ciel au dessus de nos têtes). La Bible dit : « Dieu nous a prédestinés à ressembler à Jésus »

La paix

Cette espérance, cette conviction que ma vie a un but, qu’elle ne se réduit pas à un souffle passager et contingent, qu’elle tend non vers le néant mais vers un salut – cette espérance me procure la paix. Si un plaisir (honnête !) se présente, j’en jouis. Mais je ne rechercherai point frénétiquement les plaisirs, comme si le but était d’en remplir ma vie. De même, si un objet d’étude se présente à mon intelligence, je l’étudie. Mais je ne chercherai plus frénétiquement à augmenter mes connaissances, comme si mon salut en dépendait. De là une grande paix intérieure. Prendre la vie comme elle vient, avec ses hasards et contingences, n’est plus synonyme pour moi de gâchis et de dilapidation du temps. La circonstance la plus banale, comme regarder un arbre, se repentir d’un péché ou réconforter un frère, peut avoir des prolongements insoupçonnés dans l’Eternité – que la compréhension intellectuelle d’un grand mystère biblique ou philosophique n’aura pas forcément. La Bible dit : « Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui l’aiment »

L’humilité

Enfin – mais c’est par là qu’il eût fallu commencer, bien que cela m’ait été révélé en dernier – la connaissance de Dieu m’a rendu conscient de mes imperfections. Appelons-les mes péchés. Ce n’est qu’en considérant Jésus que j’ai pu prendre conscience de ma petitesse. Ici, ma foi a du franchir encore un pas. J’ai du accepter le témoignage des apôtres au sujet de sa résurrection. J’ai du accepter les prophéties de l’Ancien Testament, et les interprétations du Nouveau au sujet de leur accomplissement (la lecture des Pensées de Pascal m’y a bien aidé). J’ai du accepter de croire que sans le sacrifice de Jésus, je serais à jamais séparé de Dieu, et dans l’impossibilité de lui ressembler un jour. Que grâce au sacrifice de Jésus, la relation avec Dieu était rétablie – et seulement grâce à lui. Voilà ce que je crois désormais. Cela m’amène à ses pieds chaque fois que je prends conscience de mon indignité. Cela me rend humble envers lui comme envers mes frères. Et il s’est trouvé que finalement, c’est dans cette humilité que j’ai trouvé le plus parfait bonheur. C’est un signe. Jésus a dit : « Heureux les pauvres en esprit, car le royaume de cieux leur appartient ; heureux ceux qui pleurent car ils seront consolés ; heureux les humbles car Dieu leur donnera la terre en héritage. »

© Eglise Protestante Evangélique – Martigues